Une publication dans Angewandte Chemie International Edition

Une technologie fluidique innovante pour l’exploitation de N2O3 en synthèse organique



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N2O3 : un réactif de nitrosation puissant mais instable ©Michaël Schmitz/CiTO

Des chercheurs du CiTOS - Centre de Technologie Intégrée et de Synthèse Organique (Unité de Recherche MolSys, Faculté des Sciences) dirigé par Jean-Christophe Monbaliu ont mis au point une plateforme microfluidique pour la génération du trioxyde de diazote anhydre (N2O3). Le N2O3 est un réactif de nitrosation notoirement difficile à préparer et à utiliser. Ce projet, financé par le FRS-F.N.R.S. dans le cadre d’un Mandat d’Impulsion Scientifique, ouvre des perspectives nouvelles pour l’utilisation de N2O3 à des fins de préparation de molécules organiques à haute valeur ajoutée. Les résultats de cette étude sont maintenant publiés dans la revue Angewandte Chemie International Edition. Cet article est en open access, et peut être lu gratuitement en ligne.

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es petites molécules cycliques contenant des atomes d'azote (N-hétérocycles) sont des structures courantes dans les composés biologiquement actifs, en particulier les molécules à vocation pharmaceutique. Développer de nouvelles méthodes pour l'incorporation d’azote dans les structures cycliques est donc un objectif opportun et important pour le développement de médicaments. Parmi ces méthodes, la nitrosation est une des approches les plus efficaces pour introduire de l'azote sur le squelette des molécules organiques. Les réactifs de nitrosation courants sont principalement les sels et les esters de l'acide nitreux (HNO2), qui sont des sous-produits du monoxyde d’azote (NO). Le NO, surtout connu comme polluant associé aux gaz d'échappement des moteurs à combustion, est également produit industriellement à large échelle. Les réactifs de nitrosation usuels ont un impact environnemental délétère.

Le trioxyde de diazote (N2O3) est un composé bleu foncé, agissant comme puissant agent nitrosant. Il peut être préparé par réaction entre le NO et l'oxygène (O2) dans des conditions strictement contrôlées et à basse température, de préférence en solution. Le N2O3 n'est pas stable à température ambiante : il s'équilibre avec plusieurs produits de décomposition (NO, NO2 et N2O4), dont l’utilité synthétique est bien moindre. Cette instabilité est exacerbée lorsque la solution de N2O3 est entourée par une atmosphère gazeuse, rendant la concentration de N2O3 dans la phase liquide extrêmement difficile à contrôler. Par conséquent, les applications concrètes de N2O3 en chimie organique de synthèse pour la préparation de N-hétérocycles sont réduites comme peau de chagrin.

Stimulés par la réactivité unique du N2O3 et la possibilité de le préparer à partir d'un polluant commun (NO), les chercheurs du laboratoire CiTOS (Center for Integrated Technology and Organic Synthesis), dirigé par Jean-Christophe Monbaliu, ont développé une solution concrète pour permettre sa préparation et son étude dans des conditions très contrôlées. L'équipe de chercheurs s'est appuyée sur les caractéristiques inhérentes aux réacteurs micro- et mésofluidiques afin de concevoir une réponse technologique unique. « Dans le volume interne confiné des réacteurs micro- et mésofluidiques, l'élimination de la phase gazeuse est possible grâce au fonctionnement en flux continu explique Yuesu Chen, premier auteur et chercheur postdoctoral principal affilié au CiTOS. La combinaison précise de NO et O2 en présence d'un solvant adapté force le N2O3 à se former directement en phase liquide, évitant ainsi toute réaction secondaire délétère et décomposition en phase gazeuse. Un générateur chimique fiable et robuste de N2O3 est donc désormais à disposition de la communauté scientifique ».

Ce générateur chimique de N2O3 alimente un module en aval pour des réactions de nitrosation, permettant ainsi son utilisation directe pour la préparation d'une grande diversité de N-hétérocycles uniques, y compris les molécules de la famille des benzotriazoles et des sydnones, deux structures communes à certains médicaments (voir Figure ci-dessous). « Cette recherche a une importance à la fois pratique et théorique pour la chimie organique des oxydes d’azote et les réactions de nitrosations. Il représente une percée significative dans le développement de stratégies modulaires en flux continu pour la préparation de composés N-hétérocycliques à haute valeur ajoutée. Cette approche technologique est en rupture avec l’état de l’art : elle rend tout simplement l’étude et la chimie de synthèse du N2O3 possible » commente Jean-Christophe Monbaliu.

MONBALIU Dinitrogen FR

Un générateur chimique de N2O3 pour la préparation de dérivés N-hétérocycliques issues des familles benzotriazole et sydnone.

L'aboutissement de ce projet, financé par le FRS-F.N.R.S. dans le cadre du Mandat d’Impulsion Scientifique de Jean-Christophe Monbaliu, repose sur une approche multidisciplinaire à l’interface entre la chimie organique, des nouvelles technologies de procédé et de la chimie computationnelle. Cette recherche s’inscrit dans un des axes prioritaires de recherche au laboratoire CiTOS, avec comme ambition l'innovation chimique et technologique pour apprivoiser des réactifs instables.

Référence Scientifique

Y. Chen, S. Renson, J.-C. M. Monbaliu,  On Demand Flow Platform for the Generation of Anhydrous Dinitrogen Trioxide and Its Further Use in N-Nitrosative Reactions, Angew. Chem. Int. Ed. 2022, 61, e202210146, https://doi.org/10.1002/anie.202210146

Financement

F.R.S.-FNRS (Mandat d’impulsion scientifique MIS F453020F, JCMM).

Contacts

Yuesu Chen 

Sébastien Renson

Jean-Christophe Monbaliu 

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