Une publication dans le Journal of Acoustical Society of America

Les poissons méditerranéens vocalisent dans des environnements profonds



Une étude menée  par le Laboratoire de Morphologie Fonctionnelle et Évolutive (Unité de recherches FOCUS/ Faculté des sciences), l'Institut de Recherche CHORUS, en collaboration avec STARESO et Alseamar rapporte que les poissons méditerranéens vivant en profondeur émettent  des sons. Ce type d’information, jusque maintenant limité aux environnements proches de la surface, en deçà des 40 mètres, s’avère cruciale dans la gestion des stocks de pêche. Cette étude a fait l’objet d’une publication dans le Journal of Acoustical Society of America.

Les océans sont remplis de nombreuses sources sonores, dont celles de nombreuses espèces de poissons qui produisent des sons dans diverses conditions comme la reproduction, la défense du territoire ou de la progéniture. Les poissons ayant développé la plus grande diversité de mécanismes de productions de sons parmi les vertébrés, il en résulte une grande diversité de sons émis, avec cependant des caractéristiques spécifiques à chaque espèce. Comme les oiseaux sont identifiables en fonction de leur chant, les poissons le sont en fonction des sons produits.  Jusqu’ici la plupart de études menées en Méditerranée portaient sur les populations de poissons côtiers jusqu’à une profondeur de 40 mètres. Si quelques études ont signalé la probable présence de sons de poissons en eaux profondes, aucune n'a été réalisée en mer Méditerranée.

Une équipe composée de chercheurs du Laboratoire de Morphologie Fonctionnelle et Evolutive de l’ULiège et de l'Institut de Recherche CHORUS (France), en collaboration avec la STARESO (France) et Alseamar (France) a voulu savoir si de tels sons pouvaient être entendus à des profondeurs plus importantes que celles enregistrées jusque-là. Outre l’aspect fondamental de la recherche, le but est de chercher à se doter d’outils permettant le suivi des populations afin de gérer les stocks de population. Pour ce faire, l’équipe a utilisé une combinaison de Surveillance Acoustique Statique (SAM : enregistreurs acoustiques déployés sur le fond de la mer) et de la surveillance acoustique mobile (MAM : hydrophones intégrés dans des véhicules sous-marins automatisés de nouvelle génération, appelés « gliders ») pour surveiller les communautés de poissons chanteurs dans un canyon sous-marin de la Méditerranée. Ces méthodes sont non invasives et permettent d'évaluer les modèles temporels et spatiaux de distribution des individus qui appellent.

Durant les étés 2016 et 2017, trois campagnes de SAM ont été menées dans le canyon sous-marin de Calvi. Au total, 194 heures d'enregistrements ont été analysées pour la diversité des sons émis par les poissons et pour leur abondance.

« Des sons biologiques ont été détectés dans 38% des fichiers audio enregistrés, explique Marta Bolgan, post-doctorante au Laboratoire de Morphologie Fonctionnelle et Fvolutive, et première auteure de l’article. » Outre la présence de clics et de sifflements de mammifères marins, 10 types de sons (pour un total de plus de 9 000 sons) présentant des caractéristiques similaires à ceux émis par des espèces de poissons vocaux ont été caractérisés; pour l'un d'entre eux, l'identité de l'émetteur a pu être déduite au niveau du genre (espèce Ophidion). « La plus grande richesse acoustique a été détectée à la tête du canyon (environ 100m de profondeur), tandis qu'un type de son a été enregistré lorsque le glider se trouvait au milieu de l'eau (200m de profondeur) au-dessus d’un fondde plus de 1000m), reprend la chercheuse ».

Cette étude, récemment publiée dans le Journal of Acoustical Society of America, démontre pour la première fois que les poissons vocalisent également dans des environnements méditerranéens plus profonds que ceux qui sont traditionnellement surveillés, et que la combinaison de la surveillance acoustique statique et mobile peut fournir des informations importantes sur la diversité et la dynamique des populations de poissons d'eau profonde.

« Cette étude ouvre la voie à un nouveau domaine de recherche, qui utilise le suivi des sons émis par les poissons pour déduire des informations importantes sur les populations de poissons d'eau profonde, conclut Eric Parmentier, directeur du Laboratoire de l’ULiège. »

Illu Bolgan Soun Fish 

Référence scientifique

Marta Bolgan, Cédric Gervaise , Lucia Di Iorio Julie Lossent, Pierre Lejeune, Xavier Raick, Eric Parmentier,   Fish biophony in a Mediterranean submarine canyon,  The Journal of the Acoustical Society of America 147, 2466 (2020)

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