Une publication dans Nature Astronomy

NOMAD détecte des lueurs vertes sur la planète rouge



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L’Instrument NOMAD, embarqué à bord de la sonde martienne EXOMARS Trace Gaz Orbiter, vient de détecter pour la première fois des émissions de lueurs vertes dans l’atmosphère de Mars. Ces émissions, jusqu’ici observées uniquement sur la Terre, pourraient nous apporter des informations supplémentaires sur ce phénomène physique. Ces données, récoltées et analysées par des chercheurs du Laboratoire de Physique Atmosphérique et Planétaire (STAR Institute/Faculté des Sciences) de l’ULiège viennent de faire l’objet d’une publication dans la revue Nature Astronomy.

L

a lumière du ciel à haute altitude (appelée aussi ‘airglow’) est une « lueur » naturelle de notre atmosphère, présente de façon constante sur toute la surface du globe. On observe deux grandes catégories de lueurs : celles du jour et celles de la nuit. Elles résultent toutes deux de l'interaction de la lumière du soleil avec les atomes et les molécules de l’ atmosphère. L’émission de jour résulte de la dissociation de molécules brisées par le rayonnement solaire. Elle est émise lorsque les atomes ou les molécules excités reviennent à leur état initial. L'une des émissions les plus brillantes sur Terre provient des atomes d'oxygène excités qui émettent un rayonnement vert. Sa contrepartie nocturne est assez faible, de sorte qu'elle ne peut être vue que la nuit en regardant "de près" la couche d'émission, comme les astronautes peuvent le faire en orbite depuis la station spatiale internationale. C’est cette émission d'oxygène qui donne également sa couleur verte dominante aux aurores boréales.

ISS029-E-06244 Earth Green Glow 

Phénomènes optiques captés par des caméras de la station­ spatiale internationale.

Jusqu'à présent, cette lueur verte n'avait jamais été observée dans l'atmosphère d'autres planètes parce que leur surface est trop brillante par rapport à l'émission atmosphérique ou parce que les missions précédentes vers les planètes n'étaient pas équipées d'instruments sensibles à la lumière visible.  

Quatre chercheurs du Laboratoire de Physique Atmosphérique et Planétaire (STAR Institute/Faculté des Sciences)  de l’ULiège font partie de l’équipe scientifique  de l’instrument NOMAD, à bord de la mission Trace Gas Orbiter, la première mission robotique de l’ESA pour l’étude de l’atmosphère de Mars lancée en 2016. Ils ont proposé de modifier l'orientation de la sonde pour tenter de détecter cette lumière verte autour de la planète rouge. « La lueur des atmosphères planétaires fournit des informations importantes, comme la composition de l'atmosphère, le dépôt d'énergie du rayonnement solaire et du vent solaire, la dynamique de l'atmosphère, le couplage avec les champs magnétiques planétaires et les processus de relaxation chimique après excitation, explique Jean-Claude Gérard, chercheur au LPAP, spécialiste de la composition et l’évolution des atmosphères terrestre et planétaire.

Les premières observations ont débuté en avril 2019 et se sont avérées fructueuses. « L'instrument a détecté la présence d'une luminescence d'un vert vif. Le pic d'emission principal était situé à près de 80 km et son intensité variait en fonction de la distance entre Mars et le soleil, de l'heure locale et de la latitude des observations. Deux maxima ont été observés à près de 80 et 120 km se réjouit Jean-Claude Gérard. » D'autres émissions de l’oxygène (O), de CO2+ et de la molécule CO ont également été observées dans l'ultraviolet.

Sans titre

Didistribution verticale de la lueur atmosphérique verte observée sur Mars (cercles verts)
et simulation basée sur le modèle photochimique développé par l’équipe liégeoise.

Un modèle photochimique a été développé par les chercheurs liégeois pour en comprendre  les détails. Il a permis de reproduire l'altitude et la luminosité de la couche de la couche d’émission. Il indique qu’elle est principalement produite par la dissociation des molécules de CO2, le principal constituant de l'atmosphère de la planète, qui crée des atomes d'oxygène dans un état excité produisant la luminescence verte. Une émission plus faible, provenant du même niveau supérieur de l'atome d'oxygène, a également été observée dans le proche ultraviolet. Ces mesures simultanées permettent de déduire directement un rapport de 16,5 entre l'émission visible et l'émission UV. Elle est conforme aux modèles de la physique atomique mais contredit les observations antérieures faites dans l’airglow et les aurores boréales terrestres. Ce rapport est considéré comme une norme pour les mesures reliant les régions spectrales de l'ultraviolet au visible.

Les résultats obtenus par l’équipe de recherche sont de grande importance, ils ont en effet des conséquences sur l'étude des processus de lueur aurorale et de la luminescence atmosphérique, et sur l'étalonnage spectral des instruments optiques. Ils permettent surtout de prévoir la réponse de l’atmosphère martienne aux changements de saison et aux variations de l’activité solaire, une information utile notamment aux futures missions robotiques de l’ESA et de la NASA.

Référence scientifique

"Detection of green line emission in the dayside atmosphere of Mars from NOMAD-TGO observations”, J.-C. Gérard et al. , Nature Astronomy

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