Une publication dans Journal of Geophysical Research

Des elfes et des farfadets sur Jupiter ?



Le phénomène de la foudre, connu sous le nom de farfadet, représenté sur Jupiter L'atmosphère de Jupiter, riche en hydrogène, les ferait probablement apparaître bleus. Dans la haute atmosphère terrestre, la présence d'azote leur donne une couleur rougeâtre. Credits: NASA/JPL-Caltech/Sw

Une étude basée sur des données transmises par la sonde Juno de la NASA démontre que des épisodes lumineux transitoires appelés « elfes » et « farfadets » se produisent dans la haute atmosphère de Jupiter. Bertrand Bonfond, Denis Grodent et Jean-Claude Gérard, chercheurs au STAR Institute de l’ULiège, ont participé à la découverte de cette première qui vient de faire l’objet d’une publication dans le Journal of Geophysical Research : Planets (1).

L

oin des représentations folkloriques que nous connaissons, les « farfadets » et les « elfes », sont, dans le domaine météorologique, des phénomènes naturels lumineux transitoires. « Dans les deux cas, il s’agit d’émissions de lumière aux formes étranges dans la haute atmosphère, au-dessus d’orages, explique le Pr Jean-Claude Gérard, collaborateur scientifique au sein du Laboratoire de Physique Atmosphérique et Planétaire (LPAP / Faculté des Sciences) de l’unité de recherche STAR de l’ULiège. Les elfes prennent la forme de disques horizontaux en expansion à la base de l’ionosphère, alors que les farfadets, formés de longs filaments verticaux semblables aux bras d’une méduse, s’étendent plus bas dans l’atmosphère. » Sur Terre, lorsqu’ils se produisent, ces phénomènes éclairent une région du ciel de plusieurs dizaines de kilomètres de large, le temps de quelques millisecondes seulement (une fraction du temps qu'il faut pour cligner des yeux). C’est ce phénomène, découvert depuis quelques dizaines d’années sur Terre, qui a été récemment observé sur Jupiter.

C’est à l’aide de l’instrument UVS (UltraViolet Spectrograph) embarqué à bord de la sonde américaine JUNO - en orbite autour de Jupiter depuis 2016 - que les scientifiques ont pu observer ce phénomène, jusqu’alors uniquement observé sur notre planète. « La précision actuelle des observations sur Jupiter ne permet pas encore de déterminer leur forme ou leur altitude précise, reprend  Denis Grodent, directeur de l’Unité de recherche et du Laboratoire. Il est donc actuellement impossible de distinguer les deux. Tout ce que nous savons c’est que ces phénomènes de couleur rougeâtre sur Terre en raison de leur interaction avec l'azote de notre haute atmosphère, apparaissent très probablement en bleu ou en rose sur Jupiter, dû au fait que la haute atmosphère de Jupiter est composée principalement d’hydrogène. »

L’instrument UVS - dont une partie a été conçue, construite et testée au Centre Spatial de Liège (CSL)-  est, à la base, un instrument essentiellement dédié à l’observation des aurores polaires(2) sur Jupiter. Cette découverte est donc tout à fait accidentelle. « Elle a en réalité commencé au printemps 2020, se souvient  Bertrand Bonfond, chercheur qualifié FNRS au LPAP. Nous examinions les données que Juno venait de nous transmettre avec l’équipe d’UVS quand notre attention a été attirée par une tache bizarre, qui ne ressemblait à rien de connu. Nous sommes retournés examiner les données plus anciennes et avons trouvé dix autres cas. C’est alors que nous avons compris que nous venions de découvrir quelque chose d’inhabituel ».  Les scientifiques liés à la mission Juno savent désormais ce qu’ils doivent chercher. Comparer la façon dont les phénomènes se produisent sur Jupiter et sur Terre va permettre aux chercheurs de mieux comprendre l’activité électrique des atmosphères planétaires. Un pas de plus dans la compréhension de certains mécanismes qui se produisent peut-être également sur d’autres planètes de notre système système et en dehors de celui-ci.

NASA Sprite Jupiter 2

Le pôle sud de Jupiter et un événement lumineux transitoire potentiel - un éclair lumineux brillant, imprévisible et extrêmement bref - est visible sur cette image annotée des données acquises le 10 avril 2020 par l'instrument UVS de Juno. Crédits : NASA/JPL-Caltech/SwRI

Référence scientifique

(1) Rohini S. Giles, Thomas K. Greathouse, Bertrand Bonfond , G. Randall Gladstone, Joshua A. Kammer,Vincent Hue,Denis C. Grodent, Jean‐Claude Gérard, Maarten H. Versteeg, Michael H. Wong,Scott J. Bolton, John E. P. Connerney, Steven M. Levin, Possible Transient Luminous Events observed in Jupiter's upper atmosphere, JRG Planet, octobre 2020

(2) Lire à ce propos :

Juno révèle l’exquise finesse des aurores de Jupiter
Une source inattendue pour les aurores de Jupiter

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