A publication in AGU Advances

Les tempêtes de l'aube, des sous-orages auroraux de Jupiter ?



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Vues artistiques des aurores ultraviolettes sur Jupiter (gauche) et la Terre (droite). Basée sur l'observation d'une tempête aurorale à l'aube sur Jupiter à partir de Juno et d'un sous-orage à partir du vaisseau spatial IMAGE, cette illustration montre les similitudes entre les deux formes aurorales. Crédit : NASA/JPL-Caltech/SwRI/UVS/STScI/MODIS/WIC/IMAGE/ULiège/Bonfond

Une étude menée par des chercheurs du Laboratoire de Physique Atmosphérique et Planétaire (STAR Institute / Faculté des Sciences) de l’Université de Liège, montre pour la première fois des vues globales d’une tempête de l’aube, un phénomène auroral spectaculaire qui se produit sur Jupiter. Cette étude fait l’objet d’une publication dans la revue AGU Advances.

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es aurores polaires sont une conséquence directe de la dynamique du plasma dans la magnétosphère, la région de l'espace dominée par le champ magnétique planétaire. Sur Terre, la magnétosphère est essentiellement contrôlée par son interaction avec le vent solaire qui interagit de façon plus ou moins forte avec le champ magnétique terrestre. Par contre, sur Jupiter, la magnétosphère est essentiellement contrôlée par des facteurs dits « internes ». En effet, le gaz ionisé qu’elle contient, aussi appelé plasma, provient de lune volcanique Io et ce plasma accéléré autour de la planète via son champ magnétique. Les sources de masse et d'énergie diffèrent donc entre la magnétosphère de la Terre et celle de Jupiter. En conséquence, les aurores qui s’y produisent ont un aspect fondamentalement différent sur les deux planètes.

Les « tempêtes de l'aube », des événements auroraux spectaculaires, sont parmi les événements les plus brillants des aurores joviennes. Jusqu'à présent, elles n'étaient observées que depuis des observatoires terrestres, ne montrant que la face de la planète tournée vers le Soleil. La sonde spatiale Juno, qui observe Jupiter depuis une orbite allongée qui survole ses pôles, a capturé des vues de tous les stades de développement de ces tempêtes y compris, et pour la première fois, leur initiation du côté nuit de la planète. Les chercheurs ont utilisé des images inédites prises par l’instrument UVS (en partie conçu et testé au Centre Spatial de Liège) embarqué à bord de la sonde pour décrire le phénomène auroral.

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Gauche : Image UV lointaine des conséquences d'une tempête de l'aube dans les aurores australes de Jupiter. Cette image a été acquise par le Space Telescope Imaging Spectrograph. A droite : Projection polaire de l'image de gauche, avec le Soleil orienté vers le haut. Crédit : ESA/Hubble & NASA/ULiège/Bonfond
 

« Ces vues ont, par ailleurs, été complétées par des observations du télescope Hubble qui prenait le relais lorsque Juno s’éloignait trop de Jupiter. Nous avions planifié ces observations à l’occasion d’une grande campagne d'observation de Jupiter avec le télescope Hubble, dirigée par le Pr Denis Grodent, Zhonghua Yao, Benjamin Palmaerts, Jean-Claude Gérard et moi-même, explique Bertrand Bonfond, chercheur qualifié FNRS au Laboratoire de Physique Atmosphérique et Planétaire (STAR Institute / Faculté des Sciences) et premier auteur de l’article. »

« Nous nous sommes aperçu que ce phénomène ressemblait fort à un type d'aurores terrestres appelé "substorm" (sous-tempête aurorale), ajoute Jessy Matar, doctorante au même laboratoire. » Un sous-orage auroral est un type  d’aurore qui résulte de reconfigurations explosives de la queue de la magnétosphère sur Terre. Sur notre planète, ces reconfigurations sont fortement liées aux fluctuations du vent solaire et en particulier à l’orientation du champ magnétique interplanétaire. En revanche, sur Jupiter, ces reconfigurations explosives sont plutôt liées à un trop-plein de plasma provenant d’Io.

Ces résultats démontrent que, quelles que soient leurs sources, la masse et l'énergie ne circulent pas toujours de manière fluide dans les magnétosphères planétaires. Au lieu de cela, elles s'accumulent souvent jusqu'à ce que les magnétosphères se reconfigurent et génèrent des réponses de type sous-orage dans les aurores planétaires.

« Bien que le "moteur" des aurores sur Terre et Jupiter soit très différent, conclu Zhonghua Yao, collaborateur scientifique au sein du labo de l’ULiège, montrer pour la première fois les liens entre les deux systèmes permet d'identifier les phénomènes universels et de les distinguer des particularités relatives à chaque planète. Les magnétosphères de la Terre et de Jupiter stockent de l'énergie par des mécanismes très différents, mais quand cette accumulation atteint un point de rupture, les deux systèmes libèrent de façon explosive cette énergie de manière étonnement similaires. ».

Référence scientifique

Bonfond B. & Al., Are Dawn Storms Jupiter’s auroral substorms?, AGU Advances, 16 March 2021

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