Vulgarisation scientifique

Utiliser la génomique pour mieux comprendre la biodiversité



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Alice Mouton, chargée de recherche FNRS au sein de l’unité de Génétique de la Conservation de l’Université de Liège, compte parmi les 12 chercheuses belges sélectionnées pour partager leurs recherches avec le grand public dans le cadre de l’événement Soapbox Science 2021 qui a lieu ce samedi 26 juin (de 14h à 17h - Place de la Bourse à Bruxelles). Inspiré du Speaker’s corner de Londres, les événements Soapbox Science organisés dans différents pays à travers le monde visent à promouvoir les femmes et les personnes non-binaires scientifiques et leurs recherches. Alice Mouton nous parlera de génétique appliquée à l’étude de la biodiversité. Parlons-en.

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ouvent perçue comme la science qui étudie l’être humain, la génomique peut être utilisée dans bien d’autres domaines, comme celui de l’étude de la biodiversité et de la conservation des espèces. Des recherches que mène Alice Mouton, chargée de recherches FNRS au Laboratoire de génétique de la conservation (InBios/Faculté des Sciences) de l’ULiège et qui seront au cœur de son intervention dans le cadre de l’événement de SoapBox Science 2021, un évènement de partage et de vulgarisation qui rassemble cette année 12 chercheuses belges.

Science en plein expansion dans le domaine de la biodiversité, la génomique propose de nouvelles techniques et de nouvelles méthodes qui permettent de pousser les limites de nos connaissances. « Des scientifiques ont ainsi réussi à récupérer de l'ADN d’un os de mammouth qui datait de plus d’un million d’année ! se réjouit Alice Mouton. La paléogénomique représente aujourd’hui un outil merveilleux  pour mieux comprendre l’histoire évolutive d’espèces complètement disparues et méconnues! » C’est au cours de son post-doctorat, réalisé au sein d’un laboratoire spécialisé dans la génomique appliquée à la conservation de l’Université de Californie, qu’Alice Mouton s’est découvert une passion pour ce domaine. « Lors de ce séjour, j’ai étudié l’histoire du loup terrible (Direwolf). A partir de plusieurs morceaux d’os vieux de 12.000 à 50.000 nous avons chamboulé la phylogénie des canidae ! Longtemps considérée comme espèce sœur de loup, nous avons, grâce à la génomique, démontré qu’il n’en était rien ! C’est en cela que l’étude du génome est intéressante car elle apporte un plus grand nombre d’informations, voire l’ensemble des informations liées à la diversité génétique. Cela nous permet de mieux comprendre des phénomènes comme la consanguinité, les problèmes d’hybridation entre espèces, les adaptations des espèces à leur environnement (climat, altitude, ..), les dynamiques de populations passées ou potentiellement futures, etc.. »

Les différentes techniques et méthodes de la génomique ont recours à des échantillons d’eau ou de sol afin d’identifier le passage d’espèces à un endroit donné, ou peuvent même être combinées avec d’autres méthodes comme, par exemple, avec des excavations archéologiques qui ont permis de déterminer ce qui est passé dans une grotte il y a des centaines de milliers d’années. On peut également extraire de l’ADN à partir de déjections et déterminer le régime alimentaire d’une espèce (metabarcoding). Une méthode très utile notamment pour les espèces dont l’écologie est méconnue et l’observation difficile. « Dans le cadre de mon post doctorat aux USA  j’ai également eu l’occasion de mieux comprendre les problèmes d’empoisonnement secondaire du au rodenticide dans une population de carnivore (les bobcats). A partir d’échantillons de sang récoltés sur des individus vivants, nous pouvons utiliser une méthode qu’on appelle la transcriptomique ou bien RNAseq. L’analyse du RNA permet d’avoir une idée de l’expression des gènes (qui est actif, qui ne l’est pas). Nos analyses ont montré que les rodenticides avaient un effet direct sur l’immunité du bobcat et notre travail a été utilisé pour changer la législation sur l’utilisation des rodenticides en Californie. »

Les découvertes faites grâce à la génomique permettent donc d’avoir un impact souvent direct sur des programmes de gestion de l’environnement. Dans le cadre de son projet de recherche FNRS  Alice Mouton étudie les problèmes de consanguinité chez les visons d’Europe. « Cette espèce est en effet en voie critique d’extinction et je veux mieux comprendre l’impact de la consanguinité sur le génome et identifier potentiellement des gènes néfastes pour la survie de l’espèce. » Pour ce faire, Alice Mouton travaille en étroite collaboration avec des autres chercheurs spécialistes de l’espèce mais également des agences de protection de l’environnement. « Depuis quelques mois je suis également dans le comité exécutif d’un consortium européen de plus de 500 chercheurs dont l’objectif est de créer un Atlas de référence de tous les génomes des espèces en Europe. De la même manière qu’on a des échantillons types dans les musées, des génomes de référence peuvent servir de standard pour des recherches plus approfondies en génomique. » 

On le voit, il existe énormément d’applications dans la génétique pour étudier la biodiversité. Si les données génomiques générées permettent des avancées fulgurantes, la vulgarisation scientifique et la communication scientifique autour de la génomique de la conservation fait défaut. Et c’est en faisant ce constat qu’Alice Mouton a souhaité participer à l’événement Soapbox Science, pour justement pouvoir informer et partager avec le grand public ces domaines de recherches en plein essor.

Rendez-vous avec Alice ce samedi 26 juin 2021 de 14h à 17h Place de la Bourse à 1000 Bruxelles

A propos de Soapbox Science

Initiative mise sur pied en 2011 sur le format du Speaker’s Corner de London, Soapbox Science est une initiative sans but lucratif conçue pour promouvoir les femmes et personnes non-binaires scientifiques et leurs travaux de recherche grâce à la participation du public. Cette initiative a deux objectifs : donner l'occasion de rencontrer et d'interagir avec des scientifiques dans des endroits inattendus et accroître la visibilité des femmes dans le domaine scientifique. Soapbox Science contribue à remettre en question les stéréotypes liés au genre qui sont établis dès le plus jeune âge en augmentant la visibilité des femmes dans les sciences et en organisant des événements dans des espaces publics populaires comme les parcs, les rues principales et les plages. Avec des intervenants allant de doctorants à des vice-chanceliers, Soapbox Science présente l'éventail complet des carrières universitaires et donne aux intervenants l'occasion de rencontrer d'autres femmes scientifiques et d'établir des contacts avec elles. Près de 2000 scientifiques sont montés sur l'une des boîtes de Soapbox Science, et plus de 200 000 personnes ont assisté aux événements organisés depuis 2011.

Pour aller plus loin

Consulter les publications Scientifiques d'Alice Mouton sur ORBi

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