Une publication dans The Cryosphere

Réduire la fonte de la calotte glaciaire du Groenland à l'aide de la géo-ingénierie solaire ?



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Injecter du soufre dans la stratosphère pour diminuer le rayonnement solaire et enrayer la fonte de la calotte du Groenland. Un scénario intéressant mais non sans risque. Les climatologues de l’Université de Liège se sont penchés sur la question et ont éprouvé un des scénarios avancés au moyen du modèle climatique MAR développé à l’ULiège. Des résultats mitigés qui font l’objet d’une publication dans la revue The Cryosphere.

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n le sait, la santé des calottes glaciaires de notre planète n’est pas au beau fixe… L'inlandsis groenlandais va perdre de la masse à un rythme accéléré tout au long du 21e siècle, avec un lien direct entre les émissions de gaz à effet de serre d'origine anthropique et l'ampleur de la perte de masse du Groenland. Pour lutter contre ce phénomène, et donc contre le réchauffement climatique, il faut impérativement réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Chaque jour de nouvelles idées émergent pour freiner le réchauffement climatique, comme celle du recourt à la géo-ingénierie solaire, une intervention climatique qui consiste à réduire artificiellement le rayonnement solaire au-dessus des calottes et donc limiter la fonte des glaces. Comment ? « L’idée est d’injecter du soufre dans la stratosphère, une zone météorologique stable qui se situe entre 8 et 15 km d’altitude dans l’atmosphère, explique Xavier Fettweis, chercheur qualifié FNRS et directeur du Laboratoire de Climatologie (Unité de recherches SPHERES / Faculté des Sciences) de l’ULiège. Le soufre va alors agir comme une sorte de miroir qui va renvoyer une partie du rayonnement solaire vers l’espace. » Une intervention qui permet donc de diminuer l’ensoleillement sur terre, à l’image de ce qu’il se produit lors d’éruptions volcaniques. En effet, en 1991, l'éruption du Pinatubo (Philippines) avait injecté des millions de tonnes de dioxyde de soufre dans la stratosphère, entrainant une baisse des températures mondiales d’environ 0,5°C. C’est en partant de ce constat que sont nés les scénarios de géo-ingénierie solaire. Ces scénarios sont-ils vraiment fiables et sans risques ? C’est ce qu’ont voulu tester les climatologues de l’ULiège.

« Nous avons utilisé un scénario plausible (G6solar) de géo-ingénierie solaire permettant de réduire le réchauffement climatique d'un facteur 2 à l'échelle globale par rapport au scénario le plus pessimiste où on ne ferait rien pour le climat, reprend Xavier Fettweis. En forçant le modèle MAR (Modèle Atmosphérique Régional) développé à ULiège à l'aide de ce scénario, nous montrons que la diminution du rayonnement solaire associée à ce scénario permettrait de réduire localement la fonte à la surface de la calotte du Groenland de 6% en plus de la réduction globale du réchauffement climatique. » Si ces résultats semblent encourageants, les chercheurs insistent toutefois sur le fait que ce type scénario ne serait pas suffisant pour maintenir la calotte dans un état stable d'ici la fin de ce siècle. De plus ce type d’intervention n’est pas sans risque puisqu’il pourrait avoir un impact non négligeable sur la couche d’ozone et sur les cycles de l’eau et les précipitations, accentuant les disparités entre régions humides et régions sèches. « Seuls des scénarios de géo-ingénierie solaire beaucoup plus ambitieux mais devenant irréalistes et dangereux, permettraient de sauver la calotte, conclu Xavier Fettweis. On parle ici d’une intervention humaine et intentionnelle sur le climat. Un plan B qui ne l’est pas ! Il est donc urgent de réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre par des moyens que nous connaissons mais que nous peinons à mettre en œuvre. »

Référence scientifique 

Fettweis, X., Hofer, S., Séférian, R., Amory, C., Delhasse, A., Doutreloup, S., Kittel, C., Lang, C., Van Bever, J., Veillon, F., and Irvine, P.: Brief communication: Reduction in the future Greenland ice sheet surface melt with the help of solar geoengineering , The Cryosphere, 15, 3013–3019, 2021.

Contact

Xavier FETTWEIS


credit photo : twenty20photos

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