Une publication dans Science Advances

XMM et Juno s’allient pour révéler l’origine des éruptions aurorales à rayons-X de Jupiter



Credit: ESA/NASA/Yao/Dunn

Une équipe scientifique internationale - dont font partie des chercheurs du Laboratoire de physique atmosphérique et planétaire (LPAP) de l’ULiège - vient de mettre au jour le processus qui est à l’origine de flashs à rayons-X qui se produisent au cœur des aurores de Jupiter. Un article publié dans Science Advances et basé sur des observations obtenues simultanément par la sonde spatiales Juno (NASA) et le télescope XMM-Newton (ESA) lève le voile sur ce mystérieux phénomène.

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es aurores de Jupiter émettent toutes sortes de rayonnements, parmi lesquels de puissants flashs de rayons-X. Ceux-ci sont d’autant plus intrigants qu’ils se répètent souvent toutes les 10 à 40 minutes. « Ces aurores en rayons-X sont causées par des ions d’oxygène et de souffre qui proviennent de la lune volcanique Io et qui, après s’être répandus dans toute la magnétosphère de Jupiter, sont accélérés avant d'être précipités dans l'atmosphère polaire de Jupiter. » explique le Dr Zhonghua Yao, premier auteur de l’article, chercheur à la Chinese Academy of Sciences et collaborateur scientifique au Laboratoire de Physique Atmosphérique et Planétaire (LPAP) de l’Université de Liège.

« On pourrait croire, naïvement, que les observations des planètes depuis la Terre sont superflues, puisque l’on peut envoyer des sondes sur place. Rien n’est moins vrai, car les instruments qui mesurent les particules ou le champ magnétique d’une planète ne peuvent effectuer leurs observations que d’un seul endroit à la fois, explique Bertrand Bonfond, chercheur qualifié FNRS au LPAP (Unité de recherches STAR / Faculté des Sciences) et co-auteur de l’étude. Les télescopes au sol ou en orbite autour de la Terre fournissent une vue globale qui placent les observations de sondes spatiales telle que Juno, dans ce cas précis,  dans leur contexte. De plus, les sondes spatiales ne sont pourvues que d’un nombre limité d’instruments et aucune camera à rayons-X n’a jamais été embarquée sur une sonde pour étudier Jupiter. » « Le télescope XMM-Newton, de l’Agence Spatiale Européenne (ESA), est donc un complément précieux pour l’étude de la planète. » complète le Pr Denis Grodent, Directeur de l’Unité de Recherche STAR et également co-auteur de cet article.

Du 16 au 17 juillet 2017, XMM-Newton a observé Jupiter en continu pendant près de 26 heures et il a « vu » les aurores à rayons-X pulser toutes les 27 minutes. Au même moment, Juno se trouvait à approximativement à 4.500.000 km de Jupiter, au cœur de sa magnétosphère, précisément sur les lignes de champ magnétique reliées à ces aurores. En analysant les données de Juno, les chercheurs ont trouvé un premier indice : des oscillations du champ magnétique qui avaient justement la même période que les flashs auroraux. Ils se sont alors tournés vers des simulations numériques de la magnétosphère pour rechercher l’origine de ces oscillations et ils ont trouvé qu’elles étaient probablement générées par la friction du vent solaire sur les couches externes de la magnétosphère. « Cela dit, ces oscillations lentes du champ magnétique vibrent certes au même tempo que les aurores X, mais elles ne peuvent pas, à elles seules, accélérer les ions. Il manquait donc une pièce à ce puzzle », explique Zhonghua Yao. Et c’est un autre résultat important de cette étude : cette étape intermédiaire est un autre phénomène, appelé ondes électromagnétiques ions-cyclotron (aussi appelées ondes EMIC). Ces ondes sont excitées par les oscillations lentes du champ magnétique, et elles ont justement la bonne fréquence pour permettre aux ions de « surfer » dessus et de gagner de la vitesse, jusqu’à ce qu’elles percutent l’atmosphère et génèrent les bouffées de rayons-X.

« Il n’y a aucune raison que ces jeux complexes entre ondes et particules, et en particulier le rôle des ondes EMIC, soient une particularité de Jupiter. Sur Terre, les ondes EMIC accélèrent aussi des protons dans l’atmosphère aurorale, reprend Zhonghua Yao. Il s'agit d'un processus fondamental qui s'applique à Saturne, Uranus, Neptune et probablement aussi aux exoplanètes. ». Au-delà des planètes, il existe des environnements plus vastes où ce processus pourrait également se produire. Dans l'étude des amas de galaxies, les astronomes constatent que les gaz circulant entre les amas ont des densités, des températures et d'autres propriétés similaires à celles de la magnétosphère de Jupiter.  Il se pourrait donc que les ondes électromagnétiques jouent là aussi un rôle important dans le transfert d'énergie d'un endroit à l'autre.

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Les mystérieuses aurores à rayons-x de Jupiter expliquées

Les mystérieuses aurores boréales à rayons-X de Jupiter ont été expliquées, mettant fin à une quête de 40 ans pour trouver une réponse. Pour la première fois, les astronomes ont vu la façon dont le champ magnétique de Jupiter est comprimé, ce qui réchauffe les particules et les dirige le long des lignes du champ magnétique vers l'atmosphère de Jupiter, déclenchant ainsi les aurores à rayons-X. Le lien a été établi en combinant les données in situ de la mission Juno de la NASA avec les observations de rayons-X du télescope XMM-Newton de l'ESA.

Credit: ESA/NASA/Yao/Dunn

Référence scientifique

Z.H. Yao et al., Revealing the source of Jupiter’s x-ray auroral flaresScience

Advances, 2021 DOI: 10.1126/sciadv.abf0851

Contacts

Bertrand Bonfond

Denis Grodent

Zonghua Yao

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