Une publication dans Geophysical Research Letters

Juno explore le lien qui unit Ganymède et les aurores polaires de Jupiter



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Une étude menée par le Southwest Research Institute (Texas, USA) et à laquelle ont participé des chercheurs du Laboratoire de Physique Atmosphérique et Planétaire (LPAP) de l’Université de Liège, a permis de mieux comprendre les liens entre les lunes de Jupiter – et plus particulièrement Ganymède - et les aurores qui se produisent dans l’atmosphère de la plus grande planète de notre système solaire. Des observations qui confirment un théorie mise en avant par des chercheurs de l’ULiège afin d’expliquer ces aurores. Cette étude fait l’objet d’une publication dans le journal Geophysical Research Letters.

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une des spécificités de Jupiter est que chacune de ses lunes principales (Io, Europe, Ganymède et Callisto) possède une signature caractéristique dans les aurores polaires de la planète. On les appelle les empreintes aurorales de satellites, car il s’agit de taches lumineuses qui font face à la lune à laquelle elles sont liées. « En réalité, quand on les regarde de près, ces empreintes sont elles-mêmes formées de plusieurs taches, précise Bertrand Bonfond co-auteur de l’étude et chercheur qualifié F.R.S.-FNRS au LPAP (Unité de recherche STAR / Faculté des Sciences) de l’ULiège. Le 8 novembre 2020, Juno a effectué un survol rapproché d’une de ces taches, révélant des détails particulièrement intéressants sur ce qui leur donne naissance. »

Avec un diamètre de 5300 km (presque deux fois la taille de notre Lune), Ganymède est la plus grosse lune de Jupiter. « C’est aussi la seule lune du système solaire à générer son propre champ magnétique interne, explique le Pr Jean-Claude Gérard, collaborateur au LPAP et co-auteur de l’étude. Découverte en 1610 par Galilée, ganymède est la troisième lune majeure du système jovien par ordre de distance à Jupiter, après Io la volcanique et Europe avec son océan d’eau liquide présumé sous sa croute de glace, mais avant Callisto, grêlée de cratères d’impact.» Toutes ces lunes baignent dans un disque de gaz ionisé (aussi appelé plasma), lui-même originaire des volcans d’Io. Ce plasma est figé dans le champ magnétique de Jupiter et tourne donc autour de Jupiter à la même vitesse que la planète tourne sur elle-même.

Ganymède et son bouclier magnétique forment donc un obstacle à ce flux de plasma qui tourne autour de Jupiter. Tout comme dans le cas d’un rocher émergeant d’une rivière, cet obstacle va générer des ondes. Les perturbations du champ magnétique et du plasma générées par Ganymède s’appellent des ondes d’Alfvén. Elles se propagent le long des lignes de champ, en direction des pôles de Jupiter. En s’approchant de la planète ces ondes vont accélérer des électrons, qui vont ensuite percuter violemment l’atmosphère de Jupiter, ce qui engendre des aurores.

« Juno est une mission particulièrement bien équipée pour étudier l’origine des différentes formes d’aurores, puisqu’elle peut simultanément mesurer le champ magnétique, les ondes électromagnétiques ainsi que les particules chargées et prendre des images détaillées des aurores polaires », explique Vincent Hue, chercheur au Southwest Research Institute (Texas) et premier auteur de l’étude.  Ce n’est pas la première fois que Juno (la sonde spatiale américaine en orbite autour de Jupiter) traversait un faisceau d’électrons reliant Ganymède à Jupiter. Lors d’une précédente traversée d’une tache de l’empreinte d’Io, les instruments de Juno avaient observé à la fois une forte perturbation du champ magnétique (liée aux ondes d’Alfvén) et le faisceau d’électrons qui allait déclencher l’aurore en percutant l’atmosphère. Mais cette fois-ci, lors de la traversée d’une des taches de l’empreinte de Ganymède, aucune perturbation du champ n’a été décelée, seul le faisceau d’électron a été détecté. Ce qui ne fut pas une surprise pour les chercheurs. « C’est exactement ce que l’on s’attend à voir si les électrons viennent de l’autre extrémité de la ligne de champ magnétique, reprend Bertrand Bonfond. En effet, il y a quelques années, nous avions noté que ces ondes d’Alfvén pouvaient accélérer des électrons dans les deux sens, et que certains électrons pouvaient traverser toute la magnétosphère pour finalement créer des aurores au niveau du pôle opposé à l’endroit où ils avaient été accélérés. D’après cette théorie, c’est à cause de cette origine complexe que les empreintes forment plusieurs taches au lieu d’une seule, et ces superbes observations de Juno confirment notre explication. »

Jupiter Ganymede System 

La sonde spatial Juno de la NASA a traversé le faisceau intense d'électrons voyageant de Ganymède, la plus grande lune de Jupiter, jusqu'à son empreinte aurorale sur la géante gazeuse. Les scientifiques du SwRI ont utilisé les données obtenues pour relier la population de particules voyageant le long du faisceau aux émissions aurorales associées, afin de dévoiler les processus mystérieux à l'origine de ces lumières scintillantes. Credit : NASA / Southwest Research Institute / JPL-Caltech / Malin Space Science Systems / Kevin M. Gill / Agence spatiale italienne / Institut national italien d'astrophysique / Björn Jónsson / ULiège / Bertrand Bonfond / Vincent Hue
 

Juno, JUICE et l’ULiège

Juno est une mission de la NASA lancée vers Jupiter en 2011. Les équipes du Centre Spatial de Liège ont contribué à la conception de l’instrument UVS (UltraViolet Spectrograph) à bord de la sonde et les chercheurs du LPAP font partie de l’équipe scientifique qui dépouille ses données. « L’analyse du lien unique qui relie Jupiter à ses lunes va bientôt se poursuivre avec le lancement début 2023 de la sonde JUICE, de l’Agence Spatial Européenne (ESA). Sa mission inclura des survols rapprochés de ses lunes glacées Europe et Callisto, mais surtout de Ganymède, autour de laquelle la sonde sa placera finalement en orbite. » s’enthousiasme déjà le Professeur Denis Grodent, directeur de l’Unité de Recherche STAR et du LPAP. Le Centre Spatial de Liège (CSL) et le LPAP sont impliqués dans la mise au point et l’exploitation des résultats de plusieurs instruments à son bord.

Référence scientifique

HUE V. & al., A Comprehensive Set of Juno In Situ and Remote Sensing Observations of the Ganymede Auroral Footprint, Geophysical Research Letters, February 2022.

Contacts

Bertrand Bonfond

Jean-Claude Gérard

Denis Grodent

 

 

Film

NASA / Southwest Research Institute / ESA / JPL-Caltech / John Van Vliet / Malin Space Science Systems / Agence spatiale italienne / Institut national italien d'astrophysique / Björn Jónsson / ULiège / Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory / Bertrand Bonfond / Vincent Hue / Musique :  The Rosenhaun Experiment

En traversant le faisceau d'électrons reliant Ganymède à Jupiter, Juno a mesuré la "pluie" d'électrons et observé la lumière aurorale qu'elle crée. Le SwRI a mené les recherches qui confirment une théorie vieille de dix ans expliquant la morphologie des aurores créées par la lune de Jupiter sur Jupiter même.

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