Une publication dans Scientific Reports

Les états métastables des cristaux flottants



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Une équipe de recherche dirigée par le GRASP - Group of Research and Applications in Statistical Physics – (CESAM / Faculté des Sciences) de l’ULiège, avec la collaboration de l'Univeristé Libre de Bruxelles et l'Université Bourgogne Franche-Comté, démontre la manière de manipuler le maillage, la forme et la symétrie de cristaux flottants en caracolant, de manière contrôlée, entre leurs états métastables. Cette étude fait l’objet d’une publication dans le journal Scientific Reports [1].

L

es systèmes à particules multiples présentent un intérêt dans plusieurs domaines de la physique. Leur structure est régie par leurs interactions. En particulier, en présence d'interactions attractives, ces systèmes ont tendance à s'auto-assembler, en minimisant leur énergie. Ce phénomène existe à toutes les échelles, régissant la formation des molécules et des systèmes planétaires. Selon la complexité des interactions, les particules peuvent former des structures périodiques simples (cristaux), ou plus complexes comme les chaînes de protéines.

Les interactions magnétocapillaires entre les particules permettent d'auto-assembler des cristaux flottants le long d’interfaces liquides. Pour un nombre fixe de particules, différents états possédant des caractéristiques symétriques différentes, appelés états métastables, coexistent. Divers travaux pionniers [2,3,4] avaient pourtant observé l'existence d'états métastables dans des cristaux flottants. Comme différents états coexistent, il est difficile de contrôler la formation de structures spécifiques. Or, le contrôle de la formation d'états métastables est un ingrédient clé pour fonctionnaliser de tels assemblages, ouvrant par exemple la voie à des microrobots auto-assemblés. La manière de contrôler l'état d'un cristal flottant n'avait d’ailleurs jamais été étudiée auparavant.

« L'auto-assemblage a suscité l'intérêt du monde universitaire et de l'industrie en raison de son utilisation pour fabriquer des structures minuscules, reprend Nicolas Vandewalle, professeur de physique et directeur du GRASP. En effet, certaines structures sont trop grandes pour être préparées par synthèse chimique et trop petites pour être assemblées par des méthodes robotiques. En particulier, l'échelle du micromètre-millimètre est généralement le goulot d'étranglement entre les méthodes de fabrication standard ascendantes et descendantes. »

Etats metastables ULiege

Différents assemblages de N particules à la surface du liquide. Pour chaque nombre N de particules, deux assemblages différents sont présentés en vis-à-vis, démontrant la métastabilité de l’ensemble.

L'une des principales caractéristiques des systèmes auto-assemblés est qu'en raison du nombre élevé de degrés de liberté, il existe souvent plusieurs minima locaux en plus de l'état d'énergie minimal global. Ces états métastables peuvent être observés à toutes les échelles, au niveau moléculaire, dans les colloïdes, à l'échelle mésoscopique et à l'échelle macroscopique. L'intérêt sur la façon d'exploiter ces états métastables pour une structuration active a récemment augmenté. Par conséquent, une question fondamentale, que les chercheurs ont abordé dans cette étude est de définir les conditions permettant de naviguer entre les différents états métastables.

« Dans l’étude que nous venons de publier, reprend Ylona Collard, chercheuse au GRASP et première auteure de l’article, nous avons étudié des auto-assemblages magnétocapillaires composés de 3 à 19 particules. Pour un nombre fixe de particules composant l'assemblage, plusieurs états différents coexistent, se distinguant par leur forme, leur maillage et leur symétrie. » Les chercheurs ont proposé deux techniques expérimentales différentes, mais complémentaires, pour naviguer de manière contrôlée entre ces différents états. La première a permis un changement d'état pour un nombre fixe de particules. Ceci est réalisé en appliquant un champ magnétique horizontal qui induit une déformation de l'assemblage. Après relaxation, l'assemblage aura changé d'état avec une certaine probabilité. La deuxième technique permet de contrôler la croissance d'un assemblage en choisissant l'état souhaité pour un assemblage de N (nombre) + 1 bille à partir d'un assemblage de N billes. Un laser infrarouge est appliqué à la surface de l'eau pour générer des flux thermocapillaires, contrôlant la trajectoire de la nouvelle bille ajoutée au système.

configurations

Animation de la croissance d’un cristal flottant de N=3 à N=19 particules. Des particules sont ajoutées une à une à la surface du liquide sous champ magnétique. Les forces capilaires attractives sont contrebalancées par les forces magnétiques répulsives. L’assemblage présente une symétrie typique des cristaux atomiques. ©ULiège/N.Vandewalle

« Des modèles ont été proposés pour étudier la fréquence d'occurrence des différents états d'un assemblage à sa création, explique Nicolas Vandewalle, ainsi que pour modéliser les deux techniques expérimentales. Les simulations sont en très bon accord avec les résultats expérimentaux. Une analogie entre ces assemblages magnétocapillaires, qui peuvent être réduits à une échelle de taille plus faible, et les cristaux colloïdaux a été proposée pour élargir les perspectives de ce travail. »

Ces travaux sont en effet pertinents pour la fabrication de structures microscopiques comme des circuits électroniques, des microrobots ou encore des nouveaux matériaux aux nouvelles propriétés physiques.

Références scientifiques

[1] Y. Collard, F. P. Basualdo, A. Bolopion, M. Gauthier, P. Lambert and N. Vandewalle, Controlled transitions between metastable states of 2D magnetocapillary crystals, Scientific Reports 12, 16027 (2022). https://rdcu.be/cWlJh https://doi.org/10.1038/s41598-022-20035-8

[2] Mayer, A. M. Floating magnets. Nature 17, 487–488 (1878).

[3] Thomson, W. Floating magnets. Nature 18, 13–14 (1878)

[4] Thomson, J. J. On the structure of the atom: An investigation of the stability and periods of oscillation of a number of corpuscles arranged at equal intervals around the circumference of a circle; with application of the results to the theory of atomic structure. Lond. Edinburgh Dublin Philos. Mag. J. Sci. 7, 237–265 (1904).

Contacts

Ylona COLLARD

Nicolas VANDEWALLE

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