Bologne 1987, congrès sur le métabolisme et le débit sanguin cérébral, je suis un neurologue en formation et je suis stressé parce que j’ai un poster à présenter. Je rencontre un bonhomme rondouillard, un chimiste qui m’a l’air fameusement balaise en tomographie par émission de positons. Il a travaillé chez Phelps ! Pas de chance, il est revenu en Belgique, mais à Erasme.
Un peu plus tard, je suis neurologue. Au CRC, on réalise à tours de bras des études d’ « activation » avec de l’eau marquée à l’oxygène-15. Le vieux cyclotron est capricieux et les équipes techniques pas toujours très motivées. Dominique Comar est reparti en France et que vois-je arriver ? le capitaine Haddock que j’avais entrevu à Bologne. Toujours aussi rondouillard, toujours aussi clairvoyant. Mais notre capitaine possède aussi une vision, une volonté d’acier, de l’entregent, des capacités managériales hors normes et des connaissances avancées de domaines insoupçonnés (notamment dans le bâtiment !). En revanche, il ne met pas de gants, ce qui, finalement, tourne plus souvent à son avantage que ce que je ne l’aurai cru.
Fini le travail d’amateur, le laboratoire de radiochimie se transforme en un vrai producteur pharmaceutique. On remplace le PET scanner. Entretemps, on a acquis une IRM 100% recherche (la première de Belgique), et on a choisi une 3 Tesla ! Un choix téméraire que nous ne regretterons pas. On apprend sur le tas à quoi ressemble une cage de Faraday, on se tracasse pour le passage des bus près de notre IRM. Les Allemands de Siemens arrivent avec la machine, toute belle toute propre. Ils ont tout prévu au millimètre, sauf le passage dans la porte, à l’arrière du bâtiment. Qu’à cela ne tienne, notre capitaine fait élargir la porte à la masse. Les équipes s’agrandissent, les horizons s’élargissent, les doctorants vont et viennent, les post-doctorants reviennent dire bonjour. On inaugure une unité d’isolement pour les études de chronobiologie, après des mois de combat avec l’ARI. Tout va bien ? Non, il faut voir plus loin, plus large. Le capitaine continue de publier en radio-chimie. Il est demandé partout pour des thèses, des conseils scientifiques. Puis c’est l’Europe qui nous l’emprunte. Il nous parle de projets pharaoniques de mesures du CO2 sur tout le territoire, d’un télescope gravitationnel qui viendrait à Liège. Et dans le même souffle, il nous apprend que nous recevrons une IRM 7 Tesla…
Quelle belle et longue tranche de vie nous te devons, Capitaine !
Puissent les vents te pousser vers des univers aussi florissants mais, espérons-le, plus calmes et verdoyants !