Une publication dans MNRAS

HD 169142 b, la troisième protoplanète confirmée à ce jour



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Image du système HD 169142 montrant le signal de la planète en formation HD 169142 b (vers 11h), ainsi qu'un bras spiral brillant résultant de l'interaction dynamique entre la planète et le disque dans lequel elle se trouve. Le signal de l'étoile, 100.000 fois plus brillante que la planète, a été soustrait par une combinaison de composants optiques et de traitement d'image (masque au centre de l'image). Des observations à différentes époques montrent la planète avancer sur son orbite au cours du temps. Image obtenue avec l'instrument VLT/SPHERE de l'ESO.

Une équipe internationale de chercheurs - dont fait partie Valentin Christiaens de l’Université de Liège - vient de publier les résultats d’analyse de données issues de l’instrument SPHERE de l’Observatoire Austral Européen (ESO) qui présentent la confirmation d’une nouvelle protoplanète. Ce résultat a été rendu possible grâce à des outils de pointe de traitement d’image développés par le PSILab de l’Université de Liège.Cette étude est publiée dans les Monthly Notices of the Royal Astronomical Society (MNRAS)

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es planètes se forment à partir d’agrégats de matière présents dans un disque entourant une étoile nouvellement formée. On parle de protoplanète lorsque la planète est encore dans sa phase de formation, c’est-à-dire lorsqu’elle accumule encore de la matière. A ce jour, seules deux protoplanètes avaient pu être identifiées en tant que telles de façon certaine, PDS 70 b et c, toutes deux en orbite autour de l’étoile PDS 70. Ce nombre est désormais porté à trois avec la découverte et confirmation d'une protoplanète dans le disque de gaz et de poussière entourant HD 169142, une étoile située à 374 années-lumière de notre système solaire.  « Nous avons utilisé les données de l’instrument SPHERE du Very Large Telescope (VLT) de l'Observatoire européen austral (ESO) obtenues sur l’étoile HD 169142, observée à plusieurs reprises entre 2015 et 2019, explique Iain Hammond, chercheur à l’Université de Monash (Australie) qui a séjourné à l’ULiège dans le cadre de sa thèse doctorale pour travailler sur ce projet. Comme nous nous attendons à ce que les planètes soient chaudes lorsqu'elles se forment, le télescope a pris des images de HD 169142 dans l’infrarouge pour rechercher la signature thermique de leur formation. Grâce à ces données, nous avons réussi à confirmer la présence d'une planète, HD 169142 b, à environ 37 au (37 unités astronomiques, soit 37 fois la distance entre la Terre et le Soleil) de son étoile - soit légèrement plus loin que l'orbite de Neptune. » Dans un article publié dans le journal Astronomy and Astrophysics en 2019, une équipe de chercheurs menée par R. Gratton avait préalablement émis l’hypothèse qu’une source compacte vue dans leurs images pouvait tracer une protoplanète. Notre nouvelle étude confirme cette hypothèse via à la fois une ré-analyse des anciennes données utilisées dans la première étude ainsi que l’inclusion de nouvelles observations de meilleure qualité.

Les différentes images, obtenues à l’aide de l’instrument SPHERE du VLT, révèlent une source compacte qui se déplace au cours du temps avec un mouvement tel qu'attendu pour une planète en orbite à 37 unités astronomiques de son étoile. Tous les jeux de données obtenus à l’aide de l’instrument SPHERE ont été analysés avec des outils de traitement d'image de pointe développés par l’équipe du PSILab de l'Université de Liège. « Le dernier jeu de données considéré, datant de 2019, est crucial pour la confirmation du mouvement de la planète, précise Valentin Christiaens, chargé de recherches F.R.S.-FNRS au PSILab (Unité de recherches STAR / Faculté des Sciences) de l’ULiège. Ces données n'avaient pas encore été publiées jusqu'à ce jour."

Protoplanete HD169142b

Série d'images du système HD 169142 montrant la planète en formation HD 169142 b se déplaçant sur son orbite au cours du temps. Un bras spiral brillant est visible dans le sillage de la planète, et résulte de l'interaction dynamique entre la planète et le disque dans lequel elle se trouve. Le signal de l'étoile, 100.000 fois plus brillante que la planète, a été soustrait par une combinaison de composants optiques et de traitement d'image (masque au centre de l'image). Images obtenues avec l'instrument VLT/SPHERE de l'ESO.
 

Les nouvelles images confirment également que la planète doit avoir creusé un sillon dans le disque – tel que prédit par les modèles. Ce sillon est clairement visible dans les observations en lumière polarisée du disque. « Dans l'infrarouge, nous pouvons également voir un bras spiral dans le disque, causé par la planète et visible dans son sillage, ce qui suggère que d'autres disques protoplanétaires contenant des spirales pourraient abriter des planètes non encore découvertes », reprend Iain Hammond. Les images en lumière polarisée, ainsi que le spectre infrarouge mesuré par l’équipe de chercheurs, indiquent de plus que la planète est enfouie dans une quantité importante de poussière qu'elle a accrétée du disque protoplanétaire. Cette poussière pourrait se présenter sous la forme d'un disque circumplanétaire, un disque de taille réduite qui se forme autour de la planète elle-même, et qui pourrait à son tour former des lunes. Cette découverte importante démontre que la détection de planètes par imagerie directe est possible même à un stade très primitif de leur formation.

« Il y a eu beaucoup de faux positifs parmi les détections de planète en formation ces dix dernières années, reprend Valentin Christiaens. A part les protoplanètes du système PDS 70, le statut des autres candidats reste fortement débattu au sein de la communauté scientifique. La protoplanète HD 169142 b semble avoir des propriétés différentes aux protoplanètes du système PDS 70, ce qui est très intéressant. Il semblerait que nous l'ayons capturée à un stade plus jeune de sa formation et de son évolution, car encore complètement ensevelie dans ou entourée par beaucoup de poussière." Vu le très faible nombre de planètes en formation confirmées à ce jour, la découverte de cette source et son suivi devrait nous permettre de mieux comprendre comment se forment les planètes, et en particulier les planètes géantes telles que Jupiter.

Une meilleure caractérisation de la protoplanète ainsi qu’une confirmation indépendante pourraient être obtenues grâce à de futures observations avec le télescope spatial James Webb (JWST). La haute sensitivité du JWST à la lumière infrarouge devrait effectivement permettre aux chercheurs de détecter l'émission thermique de la poussière chaude autour de la planète.

Lire : Comment se forment et évoluent les systèmes planétaires

Référence scientifique

Iain Hammond, Valentin Christiaens, Daniel J. Price, Claudia Toci, Christophe Pinte, Sandrine Juillard, Himanshi Garg, Confirmation and Keplerian motion of the gap-carving protoplanet HD 169142 b, February 2023.

Contacts

Valentin CHRISTIAENS

Iain HAMMOND

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