Une publication dans Physical Review Fluids

La course des gouttes d’eau



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À quelle vitesse s’écoule une goutte le long d’une fibre ? Tout dépend du diamètre de la fibre … mais également de sa sous-structure ! Ce sont les résultats d’une étude menée par des chercheurs de l’Université de Liège, en collaboration avec l’Université Libre de Bruxelles (ULB), qui s’est intéressée à la microfluidique et notamment à la récolte d’eau dans les régions arides et semi-arides de notre planète. Ces résultats font l’objet d’une publication, épinglée par les éditeurs, dans le journal de Physical Review Fluids.

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l'image des fermes d'humidité imaginées dans des mondes de science-fiction tels que celui de la "Guerre des étoiles", de nombreuses espèces végétales des régions arides ou semi-arides de la Terre ont élaboré des stratégies ingénieuses pour capter l'eau présente dans l'air, garantissant ainsi leur survie. Récemment, les chercheurs se sont concentrés sur la compréhension des mécanismes fondamentaux du transport de l'eau, dans le but de les reproduire et de les améliorer, notamment pour faciliter la collecte de l'humidité atmosphérique dans les déserts. Une étude récente menée par le GRASP (Group of Research and Applications in Statistical Physics) de l'ULiège , en collaboration avec l’ULB, s'est efforcée de mieux appréhender les facteurs qui influencent le déplacement de ces précieuses gouttelettes. Pour ce faire, les scientifiques ont suivi en temps réel les caractéristiques et la dynamique de ces gouttelettes alors qu'elles glissaient le long d’une fibre individuelle ou de faisceaux de fibres.

« La gouttelette glissant le long d'une fibre verticale, sous l'influence de la gravité, présente un défi complexe d’un point de vue expérimental : comment suivre une goutte sur plusieurs mètres de fil ? » expose Matteo Léonard, chercheur au GRASP et premier auteur de l'étude. Pour résoudre ce problème, les chercheurs ont développé un dispositif astucieux dans leur laboratoire. « Au lieu de suivre la chute d'une goutte, nous avons mis en mouvement la fibre de manière à ce que sa vitesse soit exactement égale et opposée à celle de la goutte. De cette manière, la goutte reste "fixe" devant la caméra », reprend le chercheur. Ce challenge résolu, les scientifiques ont d'abord utilisé des fibres de différents diamètres et ont observé que les gouttes avaient une vitesse plus faible à un volume donné lorsque les fibres étaient plus épaisses, comme le prédit la théorie. Ensuite, ils ont créé des faisceaux de fibres en liant les extrémités de deux ou plusieurs fibres ensemble et en appliquant une légère torsion pour assurer le contact entre toutes les fibres.  « Cette configuration a créé un faisceau de fibres possédant des rainures, de manière similaire au tressage des brins d’une corde faisant apparaître des rainures sur la corde. » Dans cette configuration, les chercheurs ont constaté les mêmes comportements qu'avec les fibres simples : plus le nombre de fibres dans le faisceau augmentait, plus le diamètre global du faisceau augmentait, ce qui entraînait une vitesse plus faible à un volume donné. Ce comportement prévisible cache néanmoins un phénomène plus complexe…

En effet, quid du comportement de la gouttelette dans le cas où les deux configurations (simple et faisceau) ont le même diamètre (c’est-à-dire une fibre d’un diamètre de 0.28mm VS deux fibres d’un diamètre de 0.14mm)? Le frein du phénomène étant la dissipation (c’est-à-dire la friction au sein du liquide ainsi qu’entre le liquide et la fibre), on pourrait s’attendre à ce que les deux cas donnent des résultats identiques car la surface de contact entre le liquide et la fibre est la même dans les deux cas. « Pas du tout. Nous avons observé que, sur une même distance parcourue, c’est la goutte sur le faisceau de fibres qui est plus rapide. C’est également celle qui perd le plus de volume». Les chercheurs estiment que dans cette configuration, la goutte perd du volume car elle a tendance à « combler » les rainures avec son propre volume créant de cette manière un rail liquide sur lequel elle glisse plus facilement et donc, plus rapidement.

Les résultats de cette étude apportent une importante contribution dans le domaine de la conception des structures destinées à la collecte de l'eau atmosphérique. On peut notamment citer les filets à nuages qui se composent d’un réseau de fibres. Ces découvertes ont le potentiel d'améliorer leur efficacité à moindre frais. De plus, cette recherche met en évidence l'importance croissante des sous-structures observées régulièrement sur les organismes vivant dans des environnements désertiques. Ces sous-structures, telles que des micro rainures ou micro poils par exemple, démontrent l'ingéniosité de la nature dans la capture et le transport de l'eau, offrant ainsi des pistes d'inspiration pour des innovations technologiques futures.

 

*Une ferme humide est une zone de terre consacrée à la production d'eau par l'extraction de l'humidité de l'air sec.

Référence scientifique

Leonard, J. Van Hulle, F. Weyer , D. Terwagne and N. Vandewalle, Droplets sliding on single and multiple vertical fibers, physical review fluids 00, 003600 (2023) https://doi.org/10.1103/PhysRevFluids.00.003600

Vos contacts à l’ULiège

Matteo LEONARD

Nicolas VANDEWALLE

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