Une publication dans The Cryosphere

L’augmentation du niveau des mers devrait au moins atteindre 38 centimètres en 2100 !



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La fonte des calottes du Groenland et de l’Antarctique ne cesse de s’accélérer et pourrait, d’ici 2100, entraîner une augmentation du niveau des mers de minimum 38 centimètres. C’est ce que démontre une étude internationale chapeautée par la NASA et qui a notamment fait appel au modèle du climat MAR, développé par les chercheurs du Laboratoire de climatologie de l’ULiège (Unité de recherches SPHERES / Faculté des Sciences). Cette étude vient de faire l’objet d’une publication dans le journal The Cryosphere.

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ne étude internationale qui a rassemblé plus de 60 scientifiques spécialisés dans les glaces, les océans et l'atmosphère a permis d'obtenir de nouvelles estimations de l'impact minimal que pourrait avoir la fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique sur le niveau mondial des mers d'ici 2100. Si les émissions de gaz à effet de serre telles que nous les connaissons aujourd’hui se poursuivent, ces calottes glaciaires contribueront dans le meilleur des cas à une augmentation du niveau des mers de plus de 38 centimètres, un chiffre bien supérieur à l'augmentation déjà provoquée par le réchauffement climatique de la Terre jusqu'à aujourd'hui.

Les résultats de cette étude, publiés dans le journal The Cryosphere (1) sont par ailleurs conformes aux projections du rapport spécial du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) de 2019 sur les océans et la cryosphère suggérant que les eaux de fonte des calottes glaciaires contribuent à environ un tiers de l'élévation totale du niveau des mers dans le monde. Le dernier rapport du GIEC prévoyait que le Groenland contribuerait à hauteur de 8 à 27 cm à l'élévation du niveau de la mer entre 2000 et 2100 et que l'Antarctique pourrait contribuer à hauteur de 3 à 28 cm.

Ces résultats proviennent du projet ISMIP6 (Ice Sheet Model Intercomparison Project) mené par le Goddard Space Flight Center de la NASA, qui rassemble soixante scientifiques d'une trentaine d'institutions internationales (dont ULiège) pour étudier l'impact du réchauffement climatique sur la fonte des calottes glaciaires.

"L'une des plus grandes incertitudes quant à l'ampleur de l'élévation du niveau de la mer à l'avenir est la contribution des calottes glaciaires", déclare Sophie Nowicki, chef de projet et spécialiste des glaces, actuellement à l'université de Buffalo, et anciennement à la NASA Goddard. "Et la contribution des calottes glaciaires dépend vraiment de ce que nous ferons".

Avec le réchauffement des températures de l'air qui fait fondre la surface de la calotte glaciaire, et le réchauffement des mers qui fait reculer les glaciers qui se terminent dans ces mêmes mers, la calotte glaciaire du Groenland contribue de manière significative à l'élévation du niveau de la mer. L'équipe de l'ISMIP6 a étudié deux scénarios différents que ceux établis par le GIEC afin de prévoir l'élévation du niveau de la mer entre 2015 et 2100. L’un avec des émissions de carbone augmentant rapidement, et l'autre avec des émissions plus faibles respectant les accords de Paris (COP21). Ces scénarios ont été déclinés sur la calotte glaciaire du Groenland à l'aide du modèle climatique régional MAR développé par les chercheurs du laboratoire de climatologie de l’ULliège, qui a récemment été évalué comme l'un des meilleurs modèles sur la calotte glaciaire du Groenland dans le cadre de l'intercomparaison SMBMIP dirigée par Xavier Fettweis, chercheur qualifié FNRS et directeur du Laboratoire de Climatologie (unité de recherche SPHERES/ Faculté de Sciences).

fig1 NASA fonte calottes 

Fig1 : Nombre moyen de jours de fonte par an en 1980-1999 et en 2080-2099 simulé par le modèle MAR pour un scénario à forte augmentation de CO2.

fig2 NASA fonte calottes 

Fig2 : Idem que Fig1 mais en utilisant un scénario à faible augmentation de CO2 (Accords de Paris).

Dans le scénario de fortes émissions, les chercheurs ont constaté que la calotte glaciaire du Groenland entraînerait au minimum une augmentation supplémentaire du niveau de la mer d'environ 9 cm d'ici 2100. Dans le scénario à faibles émissions, la perte de la calotte glaciaire entraînerait au minimum une augmentation du niveau de la mer d'environ 3 cm.

L'équipe de l'ISMIP6 a également évalué la calotte glaciaire de l'Antarctique pour voir dans quelle mesure la fonte des glaces due aux changements climatiques futurs ajouterait à l'élévation du niveau de la mer, au-delà de ce que le réchauffement récent des températures a déjà mis en route. La perte de glace de l'inlandsis antarctique est plus difficile à prévoir : à l'ouest, les courants océaniques chauds érodent le fond des grandes plates-formes de glace flottante, entraînant une perte ; tandis que le vaste inlandsis de l'Antarctique oriental peut gagner en masse, car les températures plus chaudes provoquent une augmentation des chutes de neige.

Il en résulte un plus large éventail de possibilités, allant du changement de la calotte glaciaire qui ferait baisser le niveau de la mer de 7 cm à son augmentation de 30 cm d'ici 2100, avec différents scénarios climatiques et différentes entrées de modèles climatiques. Les projections régionales suggèrent une perte  plus importante dans l'Antarctique occidental, responsable d'une augmentation du niveau de la mer de 18 cm d'ici 2100 dans les conditions les plus chaudes, selon les recherches.

Ces nouveaux résultats contribueront à alimenter le sixième rapport du GIEC, dont la publication est prévue pour 2022.

Référence scientifique

Serousi & al., ISMIP6 Antarctica: a multi-model ensemble of the Antarctic ice sheet evolution over the 21st century, The Cryosphere, 17 September 2020.

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