Une publication dans J.A.C.S.

Capter ou réutiliser le CO2 comme source chimique pour la production de plastique durable



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Une équipe scientifique dirigée par des chimistes de l’Université de Liège met au point une nouvelle technique de production de polyuréthane ayant recourt au CO2 afin de créer des nouveaux types de plastiques facilement recyclables. Cette étude, qui fait l’objet d’une publication dans le Journal of the American Chemical Society (J.A.C.S.), pourrait être une solution pour le développement de plastiques réellement durables. 

L

es plastiques de commodité ont transformé l'industrie mondiale. Que ce soit dans la construction, les vêtements, les véhicules, ou les emballages alimentaires, ces plastiques se retrouvent partout dans notre vie quotidienne à tel point que leur utilisation globale a été estimée à environ 460 millions de tonnes en 2019. « Ce chiffre est ahurissant mais pas surprenant, car les plastiques, également connus sous le nom de polymères synthétiques, ont rencontré un large succès grâce à leurs caractéristiques irremplaçables : ils sont légers, bon marché et incroyablement polyvalents, explique Christophe Detrembleur, Directeur de recherches FNRS au Centre d’études et de recherche sur les macromolécules (CERM / unité de recherches CESAM). Cependant, leur difficulté à être recyclés, voire leur impossibilité de recyclage dans le cas des thermodurcissables, a des conséquences graves.» Cette impossibilité de recyclage entraîne l'épuisement des ressources fossiles utilisées pour les fabriquer mais aussi leur accumulation à très long terme dans la nature et les océans. Il est donc impératif que notre société réfléchisse et conçoive au plus vite des plastiques qui puissent être facilement recyclés une fois arrivés en fin de vie.

Dans ce contexte, une étude dirigée par des chercheurs de l'Université de Liège et réalisée en collaboration avec l’Université de Mons et L’université du Pays Basque, rapporte une nouvelle technique de production de plastiques de type polyuréthane facilement recyclables. « La particularité de cette approche est l'utilisation du dioxyde de carbone (CO2) - déchet majeur de notre époque - comme matière première pour la production des blocs constitutifs, ou monomères, nécessaires à la fabrication de ces nouveaux produits, reprend Thomas Habets, doctorant au CERM et premier auteur de l’article. La structure des monomères peut être aisément modifiée, permettant alors de produire des plastiques présentant une large gamme de propriétés, allant d’un élastomère très malléable tel que les silicones, à des matériaux plus rigides comme le polystyrène. » Ces plastiques présentent une structure chimique qui ressemble plus à un réseau en trois dimensions qu'à de longues chaînes linéaires. Cette structure, généralement associée aux plastiques thermodurcissables très difficilement recyclables, les rend plus résistants que les plastiques fabriqués à partir de longues chaînes moléculaires. Les polyuréthanes ici créés possèdent des nouveaux liens chimiques "dynamiques", ce qui signifie que malgré leur structure thermodurcissable, ils peuvent être remodelés grâce à des échanges de liaisons chimiques dans des conditions réactionnelles relativement douces.

HABETS Plastic

Afin d’obtenir leur nouveau composé, les chercheurs mettent une matière première dans un réacteur pressurisé rempli de CO2. Le composé transformé et CO2-basé est ensuite purifié et permet la production de monomères pour faire des polymères. Quand le matériau est obtenu, il est pressé à chaud dans des moules et peut être coupé en diverses formes. Crédit : Université de Liège

Le meilleur atout de cette nouvelle technologie réside dans sa capacité à varier la palette de propriétés accessibles tout en offrant de multiples voies de valorisations en fin de vie des matériaux. « Ces nouveaux plastiques peuvent en effet être recyclés de plusieurs manières, soit en les remodelant simplement en les chauffant, soit en mélangeant différents types de plastiques pour créer des matériaux hybrides aux propriétés nouvelles, ou encore en le décomposant en ses monomères constitutifs, idéal pour éliminer les additifs tels que les colorants ou recycler les composites, continue Thomas Habets. 

Dans l’optique d’une future industrialisation des procédés valorisant le CO2, cette étude permet d’envisager l’utilisation du CO2 de l’atmosphère et/ou la récupération du CO2 industriellement produit afin de l’utiliser directement en tant que ressource en chimie. « Il s’agit avant tout d’une première étude avec de nouvelles molécules, se réjouit Christophe Detrembleur, mais il est assez remarquable de constater que les propriétés de ces nouveaux matériaux puissent se rapprocher de celles des plastiques conventionnels pétro-sourcés et ce, dès le début de l’étude." Cette nouvelle technologie se profile comme une solution potentielle pour le développement de plastiques durables aux propriétés très variées pouvant aisément répondre à la plupart de nos applications quotidiennes.

HABETS Sequence

Le polymère, sous forme de poudre, peut être mis en forme dans un moule (haut) et être pressé avec des fibres naturelles pour produire des matériaux composites (bas).

Référence scientifique

Thomas Habets, Guillem Seychal, Marco Caliari, Jean-Marie Raquez, Haritz Sardon, Bruno Grignard, and Christophe Detrembleur, Covalent Adaptable Networks through Dynamic N,SAcetal Chemistry: Toward Recyclable CO2Based Thermosets, J. Am. Chem. Soc., November 2023 doi 10.1021/jacs.3c10080

Vos contacts à l’ULiège

Thomas Habets

Christophe Detrembleur

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