Une publication dans Green Chemistry

L’ozone et la technologie fluidique pour détruire les armes chimiques de guerre



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Une étude menées par des scientifiques Centre de Technologie Intégrée et de Synthèse Organique (CiTOS) de l'Université de Liège démontre la puissance de l’ozone et des outils computationnels pour la neutralisation de simulants du gaz moutarde et proposent un procédé encore plus rapide, sûr et économique pour la neutralisation de la menace chimique. L’originalité de leur approche repose sur une méthodologie où les conditions de destruction optimales sont générées par ordinateur avant d’être déployées en laboratoire, avec un impact majeur sur la réduction des déchets. Les résultats de cette étude sont maintenant publiés comme communication dans la revue Green Chemistry.  

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otre travail au Centre de Technologie Intégrée et de Synthèse Organique repose sur la synergie entre chimie computationnelle, chimie organique et technologies micro/mésofluidiques. Nous développons de nouveaux protocoles de synthèse avec un nombre minimal d'expériences, la recherche préliminaire des conditions opérationnelles se faisant in silico via la chimie quantique » explique Jean-Christophe Monbaliu, directeur du CiTOS (Faculté des Sciences / Unité de recherches MolSys) de l'ULiège. Cette méthodologie permet de limiter drastiquement la formation de déchets lors des phases d’optimisation, mais également de limiter la manipulation de composés toxiques et de renforcer la sécurité des opérateurs, un élément essentiel pour la recherche concernant la destruction des armes chimiques.

Dans une série d’articles précédents, les chercheur du CiTOS, en collaboration avec une équipe de l’Université de Rouen (Dr. Julien Legros, Prof. Pierre-Yves Renard), exploitent les technologies fluidiques pour concevoir des procédés de neutralisation sûrs et efficaces. Malgré des avancées significatives dans la destruction des stocks militaires, il existe encore de nombreux cimetières-dépôts de munitions au gaz moutarde provenant des deux guerres mondiales. Ceux-ci constituent une menace silencieuse d'une ampleur écologique et sociétale imprévisible. « Ce contexte justifie le développement de nouvelles méthodes de neutralisation, plus efficaces, simples et accessibles au plus grand nombre », explique Jean-Christophe Monbaliu. Une méthode efficace de neutralisation se doit d’être la plus simple possible, afin d’en assurer l’applicabilité directe en situation de crise.  « Dans nos deux articles précédents, nous présentions une méthode combinant l’air et la lumière et une méthode reposant sur la génération d’une version organique de l’eau de Javel. Malgré leur efficacité pour la neutralisation et leur caractère universel, ces procédés co-généraient des déchets en plus des composés neutralisés »  continue Jean-Christophe Monbaliu.

Simulants Mustard Gaz Ozone CiTOS

La neutralisation chimique des simulants du gaz moutarde en flux continu est la méthode la plus efficace et la moins onéreuse reportée à ce jour (reproduit avec l’autorisation de Pauline Bianchi, CiTOS).
 

Outre l’aspect environmental des procédés de neutralisation, cette thématique de recherche est d’autant plus complexe que les composés ciblés ne peuvent être ni préparés, ni achetés depuis leur mise au ban par la convention sur l’interdiction des armes chimiques (mais également pour des raisons évidentes de toxicité). Ceci constitue donc un challenge énorme, privant le chimiste de l’objet de son étude. Afin de contourner ces difficultés, l’équipe du CiTOS a développé une approche originale exploitant les avantages de la chimie computationnelle. Cette approche permet d’étudier le gaz moutarde et sa réactivité in silico (c'est à dire via l’informatique) en toute sécurité et légalité. « Ces outils computationnels nous permettent de sélectionner rationnellement des simulants de gaz moutarde, c’est-à-dire des molécules analogues au gaz moutarde en termes de propriétés chimiques, mais sans sa toxicité. Ces simulants sont ensuite utilisés au laboratoire pour développer des conditions de neutralisation en toute sécurité » annonce le Directeur du CiTOS. « Et même mieux encore, ces outils in silico nous permettent également de prédire les conditions optimales de neutralisation, et contribuent donc à accélérer leur développement sans générer de déchets ».

L’équipe du CiTOS s’est ici interessée à l’ozone comme réactif de neutralisation. L’ozone est généré directement à partir d’air, et manipulé dans un système fluidique hermétique où il détruit les simulants de gaz moutarde. La méthode ne nécessite ni additif, ni catalyseur et ne produit que de l’oxygène comme sous-produit additionnel. Les conditions optimales furent ensuite testées en collaboration avec l’équipementier Corning, aboutissant à la conception d’un système de neutralisation sûr, mobile et ultra efficace. Les simulants du gaz moutarde sont rendus inoffensifs en une seconde, grâce à l’ozone, avec une génération minime des déchets. Une fois les conditions de neutralisation validées au laboratoire sur les simulants, c’est le retour à l’outil informatique qui valide les résultats expérimentaux sur le gaz moutarde in silico, à l’aide d’un modèle cinétique.

Référence Scientifique

Boddaert, P. Bianchi, D. V. Silva-Brenes, A. Musina, M. Winter, P. M. C. Roth, P.-Y. Renard, J. Legros and J.-C. M. Monbaliu, A miniaturized ozonolysis flow platform for expeditious sulfur mustard warfare simulant neutralization, Green Chem. 2023, Advance Article (DOI: 10.1039/D3GC03470D).

Financement

F.R.S.-FNRS (Mandat d’impulsion scientifique MIS F453020F, Jean-Christophe Monbaliu; Mandat d’Aspirante FNRS 1.A.054.21F, Pauline Bianchi).

L’accès aux ressources calculatoires ont été fournies par le "Consortium des Équipements de Calcul Intensif" (CÉCI), financé par le "Fonds de la Recherche Scientifique de Belgique" (F.R.S.-FNRS) sous la subvention n° 2.5020.11 et la Région Wallonne.

Vos contacts à l'ULiège

Pauline Bianchi

Diana V. Silva-Brenes

Jean-Christophe Monbaliu

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