Une publication dans Angewandte Chemie International Edition

Un nouveau paradigme pour l’optimisation de réactions en chimie organique en flux continu



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Accélérer l’optimisation de nouveaux procédés et limiter la génération de déchets en combinant Chimie Quantique, Intelligence Artificielle et nouvelles technologies micro/mésofluidiques. Crédits Pauline Bianchi, CiTOS

Une étude du laboratoire CiTOS de l’Université de Liège réforme la préparation de composés à haute valeur ajoutée en chimie organique. Cette approche innovante s’alimente d’un modèle alliant chimie quantique et intelligence artificielle et permet de générer en quelques minutes des conditions de préparation optimisées, sans le moindre déchet. Ces conditions in silico sont ensuite instruites à un automate de synthèse fluidique qui les exécute en un temps record. Ces résultats, publiés dans la revue Angewandte Chemie International Edition, établissent les fondations robustes d’un changement radical d’approche pour la préparation de composés organiques à haute valeur ajoutée. 

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is sur pieds il y a tout juste dix ans par Jean-Christophe Monbaliu, le Centre de Technologie Intégrée et de Synthèse Organique (CiTOS) s’appuie sur une stratégie interdisciplinaire qui combine la chimie organique de synthèse, la chimie organique physique et computationnelle, ainsi que la technologie des procédés micro/mésofluidiques. « Au cours de la dernière décennie, nous avons acquis une expertise reconnue dans le développement de procédés fluidiques innovants, polyvalents et efficaces pour la production de composés à haute valeur ajoutée, explique Jean-Christophe Monbaliu. Notre travail vise à fournir des solutions concrètes pour redéfinir la production chimique dans le contexte environnemental et sécuritaire actuel ». Si l’adoption des nouvelles technologies des réacteurs micro/mésofluidiques a souvent été présentée comme une solution de facto pour l’émergence de procédés agiles et sûrs, leur mise en œuvre demeure modeste en partie en raison de la difficulté d’anticiper la faisabilité d’une réaction dans ces réacteurs. « On ne change pas si facilement les réflexes acquis au cours de décennies de savoir-faire avec les outils de production actuelle, et un changement trop radical de paradigme se heurte souvent à une forme de conservatisme malgré les promesses technologiques », reprend le directeur du CiTOS et investigateur au WEL Research Institute.

La recherche fondamentale en chimie organique repose essentiellement sur le développement de nouvelles méthodes et de nouveaux réactifs exploitant des réactivités spécifiques et permettant d’accéder à la diversité moléculaire et aux propriétés d’une large gamme de produits à haute valeur ajoutée. Cette recherche implique des processus itératifs d’optimisation et de sélection, afin de maximiser le rendement. Ces processus itératifs sont à la fois chronophages, gourmands en ressources primaires et générateurs de déchets, même avec les nouvelles technologies micro/mésofluidiques. Cela est particulièrement préoccupant dans les cas où les ressources sont limitées ou lorsque des composés toxiques, à haute activité ou instables sont impliqués.

Afin d’accélérer l’adoption des technologies micro/mésofluidiques, un modèle prédictif combinant chimie quantique et intelligence artificielle (ML-DFT) a été développé au CiTOS. « Ce modèle prédit avec une grande précision des données expérimentales, comme par exemple les conditions optimales de température, pression et temps de réaction pour atteindre un rendement désiré » explique Pauline Bianchi, docotrante FNRS au CiTOS et première auteure de l’étude. Les conditions optimisées sont obtenues in silico, c’est-à-dire uniquement par méthodes calculatoires et ne génèrent aucun déchet chimique. « Ces conditions optimales calculées sont ensuite exécutées par un automate de synthèse. Le renforcement des protocoles calculatoires de chimie quantique grâce à l’intelligence artificielle permet de générer en quelques minutes les conditions nécessaires à la synthèse d’une large gamme de dérivés organiques. Ceci confère aux chimistes un avantage distinctif pour générer de la diversité moléculaire lorsqu’il n’y a pas de données expérimentales préexistantes » poursuit Pauline Bianchi. Cette approche ML-DFT nécessite une puissance de calcul disponible dans de nombreux laboratoires de chimie, ce qui facilite son adoption généralisée.  

Cet outil est appliqué avec succès aux animations électrophiles, une classe de réactions particulièrement pertinente pour la fabrication de composés pharmaceutiques. Cette recherche revêt une importance fondamentale et appliquée, comme en atteste son utilisation en chimie organique physique pour comprendre la réactivité et son utilisation dans le cadre d’une collaboration industrielle avec Mithra Pharmaceuticals.  

Référence Scientifique

Bianchi, J.-C. M. Monbaliu, Revisiting the Paradigm of Reaction Optimization in Flow with a Priori Computational Reaction IntelligenceAngew. Chem. Int. Ed. 2023, e202311526. https://doi.org/10.1002/anie.202311526  

Cet article est disponible en Open Access

Vos contacts à l'ULiège

Pauline Bianchi

Jean-Christophe Monbaliu


Financements

  • FR.S.-FNRS (Mandat d’impulsion scientifique MIS F453020F, Jean-Christophe Monbaliu; Mandat d’Aspirante FNRS 1.A.054.21F, Pauline Bianchi).
  • WEL Research Institute (WEL-T Advanced WEL-T-CR-2023 A – 05, "Smart Flow Systems", Jean-Christophe Monbaliu).
  • Crédit d’opportunité stratégique du Conseil universitaire de la Recherche et de la Valorisation, Université de Liège (OPP_CURV_22-44)
  • L’accès aux ressources calculatoires ont été fournies par le "Consortium des Équipements de Calcul Intensif" (CÉCI), financé par le "Fonds de la Recherche Scientifique de Belgique" (F.R.S.-FNRS) sous la subvention n° 2.5020.11 et la Région Wallonne.

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