Une publication dans Journal of the American Chemical Society

Une molécule qui permet de quantifier la résistance mécanique d’interactions faibles de type π



imgActu

Damien Sluysmans, chargé de recherches FNRS au sein du laboratoire NanoChem (UR MolSys / Faculté des Sciences), a créé une molécule lui permettant de quantifier la résistance mécanique de ce type d’interactions faibles de type π, à l’échelle d’une interaction à la fois. Cette recherche vient d’être publiée et a fait la couverture de la revue scientifique Journal of the American Chemical Society.

L

es protéines et l’ADN sont des exemples de molécules biologiques stabilisées par un grand nombre d’interactions faibles, les interactions non-covalentes. Ces interactions non-covalentes comprennent les interactions électrostatiques, hydrophobes ou encore des interactions π (principalement entre composés aromatiques). La multiplicité de ces interactions faibles confère une haute stabilité à ces biomolécules. Ce type d’interaction est d’ailleurs utilisé par les machines moléculaires biologiques, ces nanomachines présentes au sein de nos cellules. La facilité de casser et de recréer des interactions non-covalentes est à la base des changements conformationnels, c’est-à-dire une modification de la structure moléculaire, afin d’effectuer une tâche mécanique ou chimique. Les chimistes de synthèse tirent également profit de ce type d’interactions faibles. Par exemple, les interactions π entre un donneur et un accepteur sont couramment utilisées pour la synthèse de supramolécules ou de machines moléculaires artificielles. Elles permettent d’obtenir des molécules synthétiques avec une architecture complexe, capables d’effectuer une tâche en réponse à un stimulus extérieur.

Bien que les interactions entre les π-donneurs et les π-accepteurs soient bien caractérisées en solution, leur résistance mécanique est très peu étudiée. Cette information est cruciale pour leur intégration dans des structures moléculaires complexes soumises à des forces ou des mouvements moléculaires contrôlés. 

Damien Sluysmans, chargé de recherches FNRS au laboratoire NanoChem (UR MolSys) de l’ULiège a mené cette recherche en collaboration avec le groupe du Prof. Stoddart (Prix Nobel de Chimie 2016) à l’université de Northwestern (USA). « Nous sommes partis d’un concept très simple : une pince moléculaire, explique Damien Sluysmans, premier auteur de la publication. Nous avons synthétisé une molécule contenant deux fonctions chimiques de type π-accepteur connectées par une boucle. En solution, la pince est ouverte mais quand nous ajoutons des composés π-donneurs, la pince moléculaire se referme et le composé π-donneur se retrouve coincé entre les deux π-accepteurs suite à la formation d’une interaction π. Par le biais d’un microscope à force atomique (AFM), nous avons été capables d’attraper une seule molécule entre une pointe microscopique et une surface et d’ouvrir mécaniquement cette pince moléculaire. Ainsi, nous avons pu mesurer la force nécessaire pour rompre une interaction de type π. »

Le groupe Nanochimie et Systèmes Moléculaires, dirigé par la Pr Anne-Sophie Duwez, possède une grande expertise de l’AFM, particulièrement sur l’utilisation de la spectroscopie de force sur molécule unique. Habituellement, ils observent le comportement d’une molécule unique piégée entre une pointe AFM et une surface en exerçant des étirements mécaniques successifs sur celle-ci.  « Cette recherche nous a permis de comparer la force d’interaction de plusieurs π-donneurs avec notre pince moléculaire, reprend le chercheur. Nous avons également pu effectuer l’échange d’un composé π-donneur par un autre au sein d’une seule pince moléculaire en solution. »

Cette stratégie pourrait être ouverte à une gamme plus grande d’interactions chimiques et montrer son intérêt en chimie et en biologie. Les auteurs de cette publication montrent également que les techniques de caractérisation à l’échelle de la molécule unique sont capables de déterminer précisément la résistance mécanique et le travail de molécules artificielles, des informations cruciales dans la course aux machines moléculaires artificielles fonctionnelles.

Référence scientifique

Damien Sluysmans, Long Zhang, Xuesong Li, Amine Garci, J. Fraser Stoddart, Anne-Sophie Duwez, Viologen Tweezers to Probe the Force of Individual Donor Acceptor π-Interactions, JACS 2020, 142, 21153-21159 (DOI : 10.1021/jacs.0c10339)

Spotlight : https://pubs.acs.org/doi/10.1021/jacs.0c12720

Illus Sluysmans Biomolecule

Partagez cette news