Une publication dans Green Chemistry


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Les chercheurs du CiTOS - Center for Integrated Technology and Organic Synthesis de l’Université de Liège, dirigé par Jean-Christophe Monbaliu, sont impliqués dans le développement de ressources pour la neutralisation des armes chimiques de guerre. Ce rapport offre de nouvelles perspectives pacifiques. Il est publié dans la revue scientifique Green Chemistry et listé parmi les recherches les plus marquantes de l’année 2022.

L

a chimie organique n’a pas uniquement contribué noblement à prolonger notre espérance et notre niveau de vie (par exemple avec le développement de nouveaux médicaments) ; la convergence de certaines de ses allées les plus sombres ont conduit à la création de nouveaux composés à des fins sinistres. Les agents chimiques de guerre, optimisés et produits dans le seul but de nuire aux êtres humains, en sont un exemple notoire. Et même si leur nom suggère un usage militaire exclusif, il est à déplorer que leur utilisation ait également été fréquemment observée dans des attaques ciblant des civils. « Il n'en reste pas moins que ces produits chimiques ont été produits en masse par des consciences peu scrupuleuses, notamment en temps de tension géopolitique et de guerre, explique Jean-Christophe Monbaliu, chimiste et directeur du laboratoire CiTOS  - Center for Integrated Technology and Organic Synthesis (MolSys / Faculté des Sciences) de l’Université de Liège. Malgré leur mise au ban par la communauté internationale depuis 1997, des inventaires conséquents sont toujours éparpillés à la surface du globe, que ce soit au sein de réserves militaires ou de cimetières de vieilles munitions. Ils restent une menace pour l’humanité. »

Partant de ce constat, les chercheurs du CiTOS ont entrepris de développer des outils de neutralisation pour l'un de ces composés, le gaz moutarde. Le gaz moutarde est un agent vésicant qui provoque de graves dommages aux yeux, à la peau et aux voies respiratoires. De plus, les objets contaminés tels que la terre ou les vêtements peuvent prolonger ses effets nocifs sur les victimes environnantes pendant des semaines, la persistance du gaz moutarde étant particulièrement longue. « La Belgique est encore très concernée de nos jours par le gaz moutarde, reprend Jean-Christophe Monbaliu, après la Première Guerre mondiale, environ 10 000 tonnes de munitions chimiques allemandes remplies de gaz moutarde ont été déversées par les autorités au niveau du banc de sable du Paardenmarkt, à quelques centaines de mètres de la côte belge à Knokke-Heist. » L’enfouissement de ces munitions dans un environnement marin provoque inexorablement leur corrosion et crée donc une menace latente pour l'environnement et les populations environnantes.

Gaz Moutarde Green Chemistry

Un générateur chimique mobile à flux continu qui transforme l’eau de Javel commerciale en une version organique très réactive, capable de neutraliser complètement le gaz moutarde et ses analogues en moins d’une minute. (Illustration: Michaël Schmitz)

En utilisant les technologies micro et mésofluidiques, les chercheurs du CiTOS ont réussi à développer des outils de neutralisation simples et efficaces se basant uniquement sur des réactifs chimiques issus de la grande distribution afin de les rendre accessible au plus grand nombre. Dans cette étude, l’eau de Javel commerciale et certains alcools sont combinés en un système de neutralisation chimique très efficace. « Ce système est basé sur la production d'un hypochlorite d'alkyle (une version organique très réactive de la Javel), un agent oxydant très efficace mais sélectif qui, au contact du gaz moutarde, produit en quelques secondes une espèce neutralisée non toxique, poursuit Jean-Christophe Monbaliu. Cette eau de Javel organique a cependant une réactivité inhérente qui pourrait elle-même représenter une menace pour l’opérateur. » Grâce à l'utilisation de la technologie fluidique, une technologie maîtrisée depuis de nombreuses années par le CiTOS, un générateur chimique d’hypochlorite d’alkyle a été développé ; ce générateur permet de produire en toute sécurité cet agent de neutralisation, sans contact direct avec l’opérateur, et de l’utiliser directement pour la destruction de moutardes soufrées. Le système de neutralisation complet, y incluant le générateur chimique, reste très compact (de la taille d’une grosse imprimante de bureau) et ouvre de nouvelles perspectives pour des solutions embarquées et mobiles.

Cette étude menée au CiTOS repose sur l’utilisation de simulants d’agents de guerre chimique afin de réduire le risque d'exposition des chercheurs. Les méthodes sont ensuite validées in silico au moyen de chimie computationnelle sur les agents chimiques de guerre réels, selon un protocole original et éprouvé. Cette étude a également permis une compréhension sans précédent du mécanisme présent derrière cette neutralisation.

Référence scientifique

V.-E. H. Kassin, D. V. Silva-Brenes, T. Bernard, J. Legros et J.-C. M. Monbaliu, A continuous flow generator of organic hypochlorites for the neutralization of chemical warfare agent simulants, Green Chemistry, 2022, 24, 3167-3179.

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DOI https://doi.org/10.1039/D2GC00458E

Contacts

Jean-Christophe Monbaliu

Diana Silva

Financement

Ce recherche a été soutenue par le F.R.S.-FNRS (Bourse d'incitation à la recherche scientifique MIS F453020F, JCMM ; bourse de doctorat FRIA FC27539, VEK). Les ressources informatiques ont été fournies par le "Consortium des Équipements de Calcul Intensif" (CÉCI), financé par le "Fonds de la Recherche Scientifique de Belgique" (F.R.S.-FNRS) sous la subvention n° 2.5020.11.

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